Saturday, December 29, 2012

Adieux, petites Converses rouges



A la liste de mes nombreux talents inutiles-que-je-ne-peux-pas-mentionner-sur-un-CV (ce qui est bien dommage, ça me permettrait de combler le vide laissé par « sports pratiqués »), il faut intégrer la faculté de me souvenir de la genèse de la quasi-totalité de mes vêtements et paires de chaussures (ce qui inclut le magasin et la ville où je les ai achetés, la personne qui m’accompagnait à ce moment-là et les endroits notables où je les ai portés). Un talent rare et précieux dont j’évite de me vanter pour ne pas attirer trop de jalousies, mais parfois le fardeau devient trop lourd à porter, et il faut bien que me confie à quelqu’un.

Or donc (et c’est là que cette introduction trouve tout son sens), il advint que mes Converses, après 6 ans de bons et loyaux services, rendirent l’âme. Certes, j’aurais pu continuer à la porter noircies, décollées, quasi-percées, mais il paraît que c’est un style plus digne d’une lycéenne que d’une ingénieure. Il me faut donc me résigner à les jeter, occasion, vous l’aurez compris, de revenir sur leur vie mouvementée.


 La première personne que je me souviens avoir vu porter des Converses était Fanny, en quatrième. Certes, « Fanny » n’évoquera rien de spécial pour vous, mais sachez simplement qu’elle écrivait tous ses cours en turquoises, avait le droit de s’habiller chez Kookaï alors qu’elle n’était qu’au collège (summum du style neversois, et autorisation que je n’ai pas eu avant la seconde), portait des bottes en daim beige l’hiver, sortait avec le fils du préfet et était bien sûr follement populaire. Si vous pensez qu’à l’époque, j’aurais donné mon bras droit pour être sa place, vous êtes encore en dessous de la réalité – j’avais acheté le même stylo qu’elle dans un effort légèrement pathétique pour lui ressembler un peu plus (ou alors qu’elle découvre cet unique point commun entre nous et décide brusquement que j’étais sa meilleure amie, qui sait…). Toujours est-il que la demoiselle vint un jour en cours de sport avec des Converses rouges, et se fit promptement rappeler à l’ordre sur le thème « ici c’est un cours de sport, pas un défilé de mode ». Fin du premier acte.

Second acte, me voici en première (j’ai le droit de m’habiller chez Kookaï, youpi !), et la mode des Converses s’est élargie. De mon côté, je continue à porter de bizarre chaussures fermées à talon, en cuir noir, qu’à l’époque j’aimais assez pour leur chercher systématiquement un sosie de remplacement à chaque rentrée, mais qui rétrospectivement sont un croisement assez regrettable entre « moche » et «  beaucoup trop vieux pour quelqu’un de moins de 14 ans » (je n’ai hélas, pas de photo pour illustrer mon propos). Et les jours de sport, j’ai le droit de porter des baskets – pas les autres, ces chaussures étant synonymes d’illettrisme et d’agression d’octogénaires dans l’esprit maternel, SURTOUT si elles sont à scratch.
Et justement, nous somme dans les vestiaires après le cours de sport, et voici que Caroline nous montre ses magnifiques Converses turquoises achetés le week-end précédent. Caroline est grande, mince, bronzée, sort avec un terminal redoublant (un rebelle dont le style gominé est vaguement gâché par l’accent campagnard, et qui l’a séduite durant une cours effrénée dont le point culminant a été un voyage scolaire en bus à l’abbaye de Vézelay) ; en un mot, elle est cool, qualité qu’à l’époque je ne me suis pas encore résignée à ne jamais posséder. D’ailleurs, elle porte des soutien-gorges Princesse Tam.Tam (imprimé carte du tendre, détail inutile sponsorisé par ma mémoire parasite) qu’on ne peut pas acheter à Nevers. Elle fait donc son shopping à Moulins ou Bourges – si ça, ce n’est pas une preuve qu’elle est cool…
Cependant, nourrie des clichés familiaux, les Converses me semblent à l’époque le summum du vulgaire et du manque d’élégance, et je m’y intéresse donc assez peu (alors que Princesse Tam. Tam…). Fin du deuxième acte.

Troisième acte : fin de ma deuxième année à l’INSA et à Toulouse. J’ai gagné un peu d’indépendance, Kookaï n’est plus ma marque cool par excellence (mais ça reste chouette, je ne vais pas désavouer 40% de ma garde-robe actuelle), et je porte des ballerines, chaussures jolies et adaptées à mon âge – on s’approche du but, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Me voici en ville avec une copine, qui à défaut d’être très cool ou spécialement jolie, me convainc d’acheter des Converses « parce que c’est super pratique et beau ». Une fois la barrière budgétaire franchie (« mais siii, tu les rentabiliseras tes 60, fais-moi confiance ». Elle avait bien raison, et de toute façon j’ai depuis acheté des chaussures bien plus chères), il fallu trouver la bonne pointure et la bonne couleur. Et devinez quoi ? J’ai longuement hésité entre rouge et turquoise, pour finalement repartir avec la première. 


Et depuis, mes petites Converses ont bien rempli leur mission, m’accompagnant à Florence, à Londres, à Dublin, à Paris, à Karlsurhe, à New-York, à Rome, à Berlin, à la neige, sous le soleil et même bravant des pluie torrentielles. J’ai même converti ma sœur qui a emmené les siennes jusqu’au Caire, et en a usé de nombreuses paires pendant que j’élimais tranquillement la mienne (de là à conclure qu’elle a les pieds râpeux alors que les miens sont tous doux, il n’y a évidemment qu’un pas). Elles ont été de toutes mes valises et de tous mes voyages pendant 6 ans, mais voilà, il est temps de leur trouver des remplaçantes. Pour un compromis entre pointure, couleur et disponibilité en magasin, j’envisageais des commander cette paire en prévision des six prochaines années. Tant pis pour Caroline et ses Converses turquoises, j'ai décidé que j'étais assez vieille pour choisir mes chaussures toute seule.


1 comment:

Lucie said...

Je sais pas comment tu fais, moi elles ne tiennent jamais plus de deux ans. D'ailleurs je viens de jeter les dernières parce qu'elles étaient pourries. xxx